lundi 3 février 2014

Notes de musique – Schubert Fantaisie en fa mineur

Samedi, au gré de ma tournée hebdomadaire des bibliothèques municipales parisiennes, je suis tombée sur un enregistrement dont j'ignorais totalement l'existence : un concert donné en 1965 par Sviatoslav Richter et Benjamin Britten, au Jubilee Hall d'Aldeburgh, durant lequel ils ont interprété, entre autres, la Fantaisie en fa mineur pour piano à quatre mains de Franz Schubert (Op.940, 1828).
Or, il se trouve que la Fantaisie en fa mineur est mon morceau de musique préféré, toutes catégories confondues et battues à plate couture.
Et il se trouve que j'éprouve une passion admirative pour Richter et Britten depuis le lycée : depuis que j'ai vu le film consacré à Richter par Bruno Monsaingeon, et depuis que j'ai joué une sonate et des variations pour hautbois de Britten.

Moment d'incrédulité bafouillante et de joie intense. J'emprunte illico presto le CD, et j'attends patiemment que mes voisins la bouclent. Ce qu'ils se sont décidés à faire cet après-midi. Je me suis alors plongée dans cet enregistrement, essayant de n'en rien attendre, afin de ne pas gâcher mon plaisir.

Je dois préciser que mes oreilles sont accoutumées (le mot est faible) à l'interprétation du morceau par les pianistes chevronnés Noël Lee et Christian Ivaldi (Œuvres pour piano à quatre mains vol.1, Arion, 1977). Je me doutais donc que l'écoute serait parasitée par un sentiment d'étrangeté, voire d'«inexactitude».


Première réflexion aux premières notes : zut, c'est un enregistrement de concert. En bonne groupie des théories gouldiennes (il faudra qu'un jour je vous en parle, de ce chéri-là), j'ai tendance à regretter les enregistrements "live", parsemés de toux, raclements de gorge, éternuements, applaudissements impromptus, etc. Et de fautes.
Car loin des interprétations et des enregistrements calibrés au poil d'aujourd'hui, où pas une note ne dépasse de sa portée ni du doigté ou du souffle de l'interprète, celle du concert de Richter et Britten est truffée de doigts qui dérapent, de notes qui se chevauchent quand elles devraient se suivre, et parfois même, de petits décalages de tempo entre les deux pianistes.

Seconde réflexion : qu'est-ce que c'est différent de l'interprétation par Lee et Ivaldi ! J'ai quasiment l'impression de ne pas reconnaître le morceau.
Les tempos ne sont pas suivis de la même manière, la nuance et l'intensité des notes diffèrent souvent radicalement.

Une vingtaine de minutes plus tard, je dois bien admettre que 1° c'est une double interprétation diablement rafraîchissante et intéressante, mais 2° il va me falloir plusieurs écoutes pour m'y habituer.
Elle est sans le moindre doute plus «vivante» que celle de Lee et Ivaldi : moins d'homogénéité de jeu entre les quatre mouvements, et à l'intérieur même de chacun ; la première partie est plus enlevée ; l'atmosphère générale de la Fantaisie est bien moins sombre que celle rendue par Lee & Ivaldi.
On ressent très clairement la complicité entre les deux hommes, entre le pianiste russe et le compositeur britannique. Il y a ce petit rien de cabotinage (si je peux me permettre) dans le jeu qui rappelle immanquablement les fins de soirées un peu arrosée, où l'on se met seul·e ou à plusieurs au piano, et où l'on s'accorde, presque littéralement, sur une partition réelle ou improvisée.
L'ensemble est, bien sûr, brillant.

Si vous souhaitez découvrir le duo Richter-Britten, vous pouvez écoutez le CD sur le site internet de l'éditeur.


ÉDIT : France Musique a consacré le 15 janvier dernier une émission, «Le matin des musiciens», à cette Fantaisie en fa mineur. (Leur interprétation est assez similaire à celle de Lee et Ivaldi.)

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